Origine et fabrication du pu-erh

Sébastien
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Origine et fabrication du pu-erh

Message par Sébastien » 09 Mars 2013, 21:13

Origine du thé pu-erh

Le thé pu'er ou pu-erh ou puerh (普洱茶) est un thé chinois post-fermenté qui doit son nom à la ville de Pu'er, située dans la province du Yunnan.

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Localisation de la province du Yunnan en Chine.

Les thés pu-erh (également appelés thés sombres en occident ou en thés noirs en Chine) ont subi une phase de maturation (mêlant oxydation, fermentations bactérienne et enzymatique) :
- naturelle et relativement longue pour les pu-erh dits "bruts", "verts" ou "crus" (sheng cha),
- ou artificielle et rapide pour les pu-erh dits "fermentés" ou "cuits" (shu cha).

Cette post-fermentation, spécifique et emblématique de cette famille de thé et de cette région de la Chine, modifie profondément le goût du thé qui au fil de cette maturation perd de son amertume et gagne en rondeur en acquérant des notes de terre, de bois, d'humus...

Les feuilles de thé pu-erh sont généralement compressées avant d'être commercialisées, et ce sous différentes formes. En voici 4 exemples, mais il en existe plusieurs autres :

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Galette de pu-erh "cru" (différentes tailles existent).

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Pu-erh "cru" compressé sous forme de champignon.

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Brique de pu-erh "cuit".

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Pu-erh compressé en forme de petits nids d'oiseau (mini Tuocha).
Il en existe de beaucoup plus gros (100g, 250g...).

Fabrication du pu-erh

Cueillette des feuilles.
Toute première étape de la fabrication du thé pu-erh, la récolte des feuilles est évidemment cruciale. Qu'elle se fasse sur des théiers de plantation taillés, sur des théiers sauvages poussant en liberté dans la forêt ou sur des vieux théiers poussant dans un jardin préservé, de très nombreux paramètres vont jouer sur la qualité du produit final : type de cueillette (bourgeon, bourgeon+feuilles, tiges, taille des feuilles, etc...), période de la récolte (première récolte de printemps, été, automne...), soin apporté à la manutention des feuilles...
Généralement, la phase de cueillette consiste à prélever le bourgeons + les 1, 2, ou 3 premières feuilles qui l'accompagnent, et à épargner suffisamment de feuilles pour que le théier puissent continuer sa croissance harmonieusement. Une fois les feuilles cueillies, il faut au plus vite passer à la seconde étape.

Premier séchage
Les feuilles tout juste récoltées sont aérées afin de commencer à flétrir de façon naturelle et de perdre une petite partie de leur eau. En fonction des manufactures ou des paysans qui réalisent cette opération, celle-ci peut revêtir plusieurs formes : de grandes claies dans un local ventilé, des nattes de bambou exposées au soleil... Cette première phase est relativement courte (quelques heures) : l'oxydation ne doit pas être trop poussée et elle doit rapidement être stoppée par la phase suivante.

Torréfaction
La torréfaction (Sha Qing) permet la dégradation de l'enzyme responsable de l'oxydation des feuilles et l'évacuation d'une partie de l'eau que celles-ci contiennent. Traditionnellement, cette opération se fait dans un wok chauffé au feu de bois. Cette étape est depuis longtemps très largement mécanisée, mais ne retire en rien l'importance du savoir-faire des opérateurs.

Deuxième séchage
Immédiatement après le Sha Qing, les feuilles sont de nouveau étalées pour être aérées, ce qui leur permet de refroidir avant l'opération suivante.

Roulage
Le roulage ou pétrissage (Rou Cha) est traditionnellement réalisée à la main. Cette opération, qui s'apparente à un malaxage va beaucoup influencer le goût final du thé. L'objectif est triple : abîmer la surface de la feuilles pour maximiser l'extraction ultérieure de ses arômes, les façonner (leur donner une forme torsadée), et les préparer aux étapes suivantes du processus de fabrication. Là encore la mécanisation est très répandue mais un bon Rou Cha manuel semble difficilement égalable par une machine.



Troisième séchage
Ce troisième séchage est beaucoup plus long (jusqu'à plusieurs jours) et s'apparente davantage à une "cuisson" qu'à une simple opération de séchage. En effet, les feuilles vont passer d'un aspect très vert et un peu collant (à cause du Rou Cha) à une coloration beaucoup plus sombre, voire presque noire et une texture beaucoup plus sèche voire cassante. Cette phase de séchage peut être relativement courte (de l'ordre d'une journée) si les conditions météo sont optimales (soleil), mais prendre beaucoup plus de temps si les feuilles sont étalées dans un intérieur humide à cause du mauvais temps.

Premier tri
On retire lors de cette étape les éléments indésirables : feuilles abîmées, tiges, corps étranger... et également les feuilles jaunes (Huang Pian), qui seront néanmoins conservées (il existe en effet des galettes composées uniquement de feuilles jaunes).

Suite à cette opération de tri, on obtient le fameux Maocha, le puerh à l'état brut, non compressé. On peut le boire tel quel, mais il est plus souvent commercialisé sous une forme compressée (galettes, briques...). Il peut également être stocké durant un temps plus ou moins long avant d'être compressé ou commercialisé. Il semble communément admis que la maturation du pu-erh sous forme de Maocha soit plus rapide, ou pour le moins différente, des pu-erh compressés.

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Maocha de pu-erh brut dans un gaiwan, prêt à être infusé.

Fermentation
Pour produire du pu-erh fermenté, c'est maintenant l'étape de la fermentation : selon un procédé mis au point dans les années 1970 pour simuler la maturation naturelle du pu-erh brut, le Maocha est copieusement humidifié puis recouvert de bâches afin de le faire fermenter artificiellement. C'est là aussi une opération délicate demandant un vrai savoir-faire et une grande expérience.

Sélection des feuilles
Dans le cas d'une production réalisée à base d'un thé d'origine unique (un lot de Maocha), cette étape est ignorée. Mais dans le cas de "recettes", on procède à une sélection des feuilles : l'assembleur qui dirige les opérations va sélectionner différents lots de Maocha, éventuellement procéder à une séparation des "grades" (la taille des feuilles), et concevoir le mélange qui servira à la confection du produit final. Une fois que ce "blend" est mis au point, il ne reste plus qu'à compresser le pu-erh.

Compression
Pour compresser une galette, les opérateurs prélèvent une quantité donnée de feuilles (traditionnellement 357 grammes, mais on trouve aussi des galettes de 400g, 500g) qu'ils passent rapidement à la vapeur pour ramollir les feuilles qu'ils mettent alors dans un sac en tissu. Dans le cas d'un pressage traditionnel, on pose alors sur le sac une grosse pierre taillée en forme de cylindre (dans les ateliers un peu plus "mécanisés", on utilise plutôt des presses hydrauliques). Au bout de quelques minutes on retire la pierre et on met la galette à sécher sur une étagère pour qu'elle perde l'humidité emmagasinée lors de l'étuvage.
C'est lors de la phase de compression qu'on ajoute au cœur des feuilles le Nei Fei, la petite étiquette destinées à garantir l'authenticité de la galette (mais une étiquette, ça se falsifie aussi couramment qu'un emballage).

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Nei Fei sur une galette de pu-erh brut.

Emballage, conditionnement
Une fois les galettes sèches (ou les briques, les tuocha...), on les emballe dans une feuille de papier, de préférence un papier qui laissera passer l'air et ainsi "respirer" le thé, condition importante pour la maturation du pu-erh. Souvent, mais pas toujours, on peut ajouter au moment de l'emballage une autre étiquette, le Nei Piao qui donne des informations sur le producteur, la provenance du thé, les résultats des analyses dans le cadre de certifications biologiques...


Emballage manuel d'une galette de pu-erh.

Une fois ainsi emballées, les galettes sont traditionnellement conditionnées par 7 dans un emballage en feuilles de bambou, appelé Tong.

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Tong de pu-erh (en bas à gauche).

Les Tong de pu-erh sont ensuite soit directement commercialisés, soit entreposés en vue de leur vieillissement. On distinguera les stockages "secs" (entreposage dans des conditions de température et d'humidité "raisonnables" et "naturelles") des stockages "humides" qui visent à accélérer le processus de maturation.

:arrow: Pour davantage de détails (et des photos) sur les différentes de la confection du pu-erh, je vous invite à consulter cet article sur le site pu-erh.fr

Et pour finir, une vidéo (issue du site Teaurchin) sur la réalisation d'un tong de puerh :

Matcha ga mainichi, ishya wa tôku ni
抹茶が毎日、医者は遠くに